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L’ancienne ministre Françoise Nyssen témoigne de son dialogue avec le pape François, « un homme passionné par la littérature »

Françoise Nyssen sur la Via della Conciliazione, le 24 août 2024. © Cyprien Viet | I.MEDIA

Françoise Nyssen, ancienne ministre de la Culture au début de la présidence d’Emmanuel Macron (2017-2018) et ancienne dirigeante des éditions Actes Sud, a été reçue par le pape François le 24 août 2024. Elle était accompagnée par Alix et Vincent Montagne, Président de l’association des éditeurs français et du groupe Média-Participations, auquel est rattachée l’agence I.MEDIA. Trois semaines après la publication de la lettre du pape sur la littérature, l’éditrice témoigne de son émotion après avoir pu dialoguer avec le pontife durant 45 minutes.

Françoise Nyssen avait apporté avec elle un sac de livres édités par Actes Sud, notamment La Fraternité, pourquoi ?, un essai d’Edgar Morin. Le célèbre philosophe français a été qualifié par Vincent Montagne de « jeune homme de 103 ans », une expression qui a amusé le pape François, lui-même se disant « vieux » mais faisant encore preuve, à 87 ans, d’une grande curiosité intellectuelle.

« Il était vraiment heureux, il voulait voir chaque livre, visiblement passionné par la littérature et la poésie », témoignent Alix et Vincent Montagne. « Je lui ai notamment offert les livres de Sébastien Lapaque, qui est très croyant, ainsi que des livres de Muriel Barbery, Laurent Gaudé, Jérôme Ferrari… Il a été très touché aussi par les poèmes de Mahmoud Darwich », explique Françoise Nyssen. 

« On sent qu’il aime ça, qu’il a vraiment la passion de la littérature », se réjouit l’ancienne ministre, qui a lu avec étonnement et bonheur sa lettre publiée le 4 août dernier sur le rôle de la littérature dans la formation. Ce texte était à l’origine destiné à sensibiliser les séminaristes aux humanités, au-delà de la philosophie et de la théologie, mais il peut en réalité toucher un public plus large, notamment les professeurs de lettres. 

« J’ai retrouvé à travers son texte tout ce qui fonde notre projet, et de la force pour persévérer sur ce chemin », confie Françoise Nyssen, qui a fondé avec son mari Jean-Paul Capitani, décédé en 2023, ‘l’école du Domaine du possible’, une institution située près d’Arles, et qui forme environ 120 élèves, de la maternelle au collège. « C’est une école du réel, basée sur les trois langages, l’esprit, la main et le cœur, ce qui rejoint beaucoup l’esprit du pape François », explique-t-elle. 

La mémoire d’un fils disparu précocement

Cet échange avec le pape François a aussi été pour Françoise Nyssen l’occasion de parler de son fils Antoine, qui s’est suicidé en 2012, à l’âge de 18 ans. Très émue, l’éditrice explique que son fils « était dyslexique, mais c’était un garçon très doué, un artiste, qui nous disait le monde, et qui voulait nous faire sentir qu’il serait encore avec nous après sa mort ». 

« J’ai offert au pape un dessin d’Antoine, avec ses derniers mots. Sa réaction a été magnifique, car il a souligné la ‘maturité’ de notre fils. Il m’a donné la force de continuer », confie Françoise Nyssen, profondément touchée par la compassion du pape. « Je préfère mille fois l’avoir rencontré librement et intimement, plutôt que dans un cadre protocolaire, comme ministre, où j’aurais dû rester derrière le président », avoue-t-elle.

« Avant de devenir ministre, je m’étais surtout intéressée à la pensée du pape sur l’écologie et les migrants », explique l’éditrice. Elle apprécie l’ouverture d’esprit du pape au courant de ‘l’éco-philosophie’, qu’elle a contribué à introduire en France notamment en éditant les livres de Pierre Rabhi, Baptiste Morizot ou encore Cyril Dion.

Françoise Nyssen admire la liberté intellectuelle du pape, « qui est politique mais qui est au-dessus », car il n’a pas d’échéance électorale. Elle aimerait qu’après sa lettre sur la littérature, le pontife argentin publie un document sur l’éducation. Le pape lui a confié préparer un document sur l’histoire. 

Le temps long, une arme politique du pape

« Quelle chance nous avons d’avoir un tel homme, et quelle désolation de voir que les hommes politiques ne peuvent pas tenir une parole sur la durée », assure Françoise Nyssen, qui a repris son travail d’édition après avoir quitté le gouvernement.

« Le drame de la vie ministérielle, c’est quand des conseillers-fenêtres, censées rapporter les échos de la vie du monde, deviennent des courtisans-miroirs », explique-t-elle, constatant que « le monde est étrange » et que certains pays confient leur destin à des personnages dangereux. 

« Mais je sens que le pape, lui, sait ouvrir sa porte à des personnalités de tous horizons, sans agenda électoral, et donc avec une totale liberté », remarque-t-elle. 

Elle trouve notamment intéressante sa récente audience accordée à Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon. « J’espère qu’il a pu lui parler des dangers de la sur-concentration » dans la commercialisation des livres, affirme l’éditrice, qui s’interroge sur la façon dont les réflexions du pape sur l’importance de la réalité et de la proximité peuvent être comprises « dans cette société ultra-polarisée, conditionnée par les écrans ».

L’ancienne ministre assure que « la voix du pape porte dans le milieu littéraire et intellectuel français », malgré le « manque de transcendance » induit par la culture laïque. « Moi-même je ne suis pas baptisée, mais en sortant, j’ai promis au pape que je prierai pour lui », assure Françoise Nyssen, qui rêverait de pouvoir s’intégrer dans l’avion papal lors d’un voyage apostolique. « Je voudrais bien tout faire pour être acceptée… Par exemple, je fais très bien la cuisine ! », lance-t-elle dans un éclat de rire, considérant sa rencontre avec le pape comme l’un des moments les plus marquants de sa vie.

CV - Vatican

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